Le récent confinement que nous avons vécu a rendu plus palpable, chez beaucoup d’entre nous, le désir de nature.

Attirance temporaire pour « s’échapper » ou (r)éveil à un besoin naturel, ce « retour à la nature » est de tous les débats et sur toutes les lèvres. Loin d’être une préoccupation ponctuelle, cette plus grande conscientisation de cet essentiel avec lequel nous entretenons un lien inhérent, vient s’agréger à de nombreuses réflexions sur la crise écologique, climatique.  

Lors de nos sessions de réseautage, nous recueillons d’ailleurs beaucoup de sujets liés à ce « retour à la nature », que ce soit pour se nourrir (avec une agriculture plus durable, urbaine), pour se ressourcer, se soigner ou pour une plus grande qualité de vie en ville...

C’est ainsi que nous avons choisi de l'aborder dans cette quatrième lettre thématique. Les axes d’approche sont multiples et les illustrations nombreuses… De quelle nature parle-t-on ? Représente-t-elle un exemple à suivre pour la Recherche ? Comment peut-on la remettre au coeur des villes et de nos préoccupations pour mieux vivre, nous nourrir, s’épanouir ?  

En attendant, découvrez ci-dessous les contributions de 6 personnalités qui nous expriment, chacune, à leur manière, un véritable retour à la Nature !
Bonne lecture !

Patrice Deguelte

Patrice Deguelte

Fondateur d'EcoSophia Sylvothérapie

Ancien cadre de l'HoReCa, il propose, à travers son nouveau métier d'Ecoguide Sylvestre, la pratique du Bain de Forêt. Il accompagne les individus et les groupes vers un nouveau rapport à la Nature, à eux-même, aux autres et à l'ensemble du vivant. Une pratique de transition intérieure, pour aborder sereinement les changements en cours.

Le Recours à la Nature et aux forêts comme salutogénèse, une pratique de santé

Nous faisons, depuis des décennies, le constat que l'humain perturbe et impacte durablement le milieu naturel dans lequel il évolue et dont sa survie dépend... Nous voulons toujours aller de plus en plus vite, mais pour aller où ? Posons-nous, un instant, la question de savoir ce que nous procure ce gain de temps ? Qu'en faisons nous réellement ?

Ce comportement nihiliste trouverait-il son origine dans une souffrance psychique individuelle et collective ? Quelles sont aujourd'hui les voies encore possibles pour retisser les fils distendus entre l'Homme et la nature ? Comment envisager une « guérison » du lien Homme-nature ?

Tels sont mes questionnements depuis de longues années. Le « Recours aux forêts », est une réponse. La nature comme socle, la forêt qui relie, l'arbre relais entre microcosme et macrocosme...

Réapprendre la nécessité de ne rien anticiper avec anxiété, n'effectuer le pas suivant qu'après avoir bien posé le pas en cours, dans la marche de la vie, afin d'apprécier enfin la plénitude de sens qui s'offre à nous à chaque instant qui passe... Découvrir l'harmonie, l'absorption dans le calme et dans l'analyse de l'instant présent... S'habiter pleinement...

EcoSophia est née pour proposer une voie rationnelle, unifiante, où l'être humain fait partie intégrante de l’écosystème. Ramener l'Homme à sa juste proportion, le réintégrer dans son milieu, la Nature... Redécouvrir cette aptitude à faire jouer ensemble une attention écologique à la planète dont nous sommes les hôtes, c'est-à-dire vivre en intelligence avec la nature, et une approche philosophique de nos manières d’habiter le monde, cette capacité à recréer du lien afin d'être ensemble... La possibilité d’un apaisement et d’une qualité de conscience nouvelle se présente à nous...

EcoSophia vous invite à pratiquer le Bain de forêt. Il s'agit de faire l'expérience de la nature et de la forêt en particulier en pleine présence pour apprendre ou réapprendre à vous sentir reliés au vivant. Pour développer votre qualité de présence et d'attention au moment présent, nous développons des pratiques simples et très efficaces basées sur la perception de vos sens ainsi que la découverte consciente de votre respiration... Le Bain de forêt est une marche méditative, qui allie à la fois les bienfaits de la marche et celle de la méditation...

La pratique du Shinrin-Yoku et de la Sylvothérapie n’a, en aucun cas, de prétention médicale ou paramédicale. Elle apporte une aide et un accompagnement mais ne se substitue, en aucune façon, à un quelconque acte médical.

Pour EN SAVOIR PLUS :

Consulter le site d'EcoSophia

Bloc Milan

Le Collectif des Citoyens du Potager Partagé

Des idées plein la tête pour embellir, végétaliser, biodiversifier notre environnement.
Nous, collectif citoyen, développons un jardin potager vecteur de partage et de faire ensemble au Bloc Milan à Arlon. Nous cultivons la terre et les liens humains dans la joie, en expérimentant un mode de collaboration égalitaire. Chacun donne le temps et l'expérience qu'il a et les récoltes sont partagées entre tous. Lors de ces deux dernières années, le groupe s’est constitué à travers différents âges et horizons.

Bloc Milan

 

Quand Nature rime avec collectif

Quoi de plus naturel que de lier un jardin collectif en ville, à la thématique du retour à la nature ! Les raisons sont multiples, tantôt philosophiques, tantôt concrètes, souvent les deux entremêlées.

Laissez-nous vous embarquer dans notre monde ; pas celui du quotidien où nous jonglons entre nos activités à toute allure, mais celui que nous nous offrons pour nous connecter à l’essentiel. Nous vous proposons de ralentir pour vous connecter à votre essence première : la Nature. Pas simplement vous y promener et l’admirer, mais la respecter, plonger les mains dans la terre et manger ses fruits de façon douce et durable.

Nous cultivons sans intrant chimique, en veillant à ne pas laisser la terre nue et à utiliser l'eau de pluie de manière raisonnée. Nous cohabitons avec les autres êtres vivants présents sur le site avant nous :  les végétaux (adventices) et les animaux (souvent considérés comme nuisibles). Nous apprenons et explorons de nouvelles techniques, par exemple la permaculture ; nous cultivons des légumes anciens et testons des associations bénéfiques.

Notre oasis est un lieu d'apprentissage, de partage et d'ouverture sur les autres. Nos valeurs sont le respect de chacun et de la biodiversité au rythme naturel des saisons. Nous visons le « moindre déchet » en récupérant un maximum en seconde main, en partageant, en récoltant nos graines et en les échangeant, en développant une créativité simple et proche de la nature... qui devient notre nature.

Quand le printemps s’installe, nous nous retrouvons au jardin pour de longues et précieuses heures. Loin des théories médiatiques sur les bénéfices du retour à la terre, nous vivons au quotidien les bienfaits de la connexion à la Nature et pouvons en témoigner. Surtout, ne nous croyez pas sur parole, essayez !

La Nature vous fera alors un cadeau : son abondance, sa beauté, ses couleurs, ses odeurs. Vous aurez alors le désir irrésistible de mieux la connaître et la protéger, et de partager la joie qu'elle vous procure.

Pour ALLER PLUS LOIN :

Suivre le Potager Bloc Milan - Arlon sur Facebook

Didier Joannes

Didier Joannes

Maraicher

Tout nouveau dans le monde du maraichage, Didier réinvente les codes de ce métier.

Maraicher d’un nouveau genre

Après 14 ans dans le monde industriel, Didier Joannes amorce une réflexion quant à la pertinence d’un mode de fonctionnement où le travail, la production et l’argent sont les valeurs essentielles. Sa vie lui apparaît tout à coup vide de sens… de sens humain. Poussé par un désir intense de donner corps à sa vie et à ses actions, il entame alors une reconversion comme animateur sportif, notamment au Centre pour demandeurs d’asile de Stockem. C’est là que va réellement débuter l’aventure avec le lancement d’un potager communautaire. Autodidacte de nature, il apprend et acquiert rapidement de l’expérience en maraîchage et en permaculture, parvenant enfin à allier sa passion pour la nature et son intérêt pour le social. Ainsi, il prend également ses responsabilités pour devenir un acteur efficace des transformations de son environnement.

L’idée « Terre et légumes citoyens » est lancée, « Didier le maraîcher » est né ! Le concept est simple : d’un côté un propriétaire qui n’a pas le temps de cultiver, de l’autre un maraîcher qui rêve d’un lopin de terre. Sur le terrain, Didier expérimente le lien social, le partage, la connexion avec la nature, la vie au fil des saisons… Il découvre progressivement les bienfaits d’un retour à la terre, pour lui, mais aussi pour les autres : la fréquentation des espaces naturels et du vivant semble faire émerger ce qu’il y a de meilleur en l’Homme…

Durant l’été 2020, Didier est repéré par la responsable de la ferme pédagogique, thérapeutique et sociale « Le Cheval du Vent ». Une association naît de leur rencontre : ils vont mener, ensemble, un vaste projet d’accueil social au sein de jardins thérapeutiques, convaincus que la nature et les animaux ont les clés face aux enjeux de la société. Ce sont eux qui clôtureront ces quelques lignes de présentation.

Le Cheval du Vent a la grande joie de vous annoncer son association avec Didier Joannes Maraîcher pour un vaste projet de maraîchage, de permaculture, d'accueil social et de transmission.

Pourquoi lui ? Pour ses valeurs, sa persévérance, son amour de la terre et de la nature et pour son concept profondément citoyen. Puis, parce qu'on « ne laisse entrer dans le jardin de sa vie que ceux qui ont des fleurs à y planter » ...

Suivez prochainement cette grande aventure dont nous vous donnons les prémices. « C'est dans la poésie du jardin que sont les vacances de demain ».

Pour EN SAVOIR DAVANTAGE :

Vers la page Facebook de Didier
Découvrir le projet de Didier en vidéo
Page Facebook « Le Cheval du Vent »

Hugues Dorzée

Rédacteur en chef du magazine Imagine Demain le monde

Le magazine Imagine Demain le monde, qui traite de sujets d'écologie et de société, est apparu sous un jour nouveau au printemps dernier, après une refonte éditoriale. La Une de ce premier numéro d’une nouvelle ère titrait : « Le retour à la nature ». C’est ainsi que nous avons interrogé Hugues Dorzée sur ce lien à cette Nature aux multiples facettes.

Hugues Dorzée

 

De quelle nature parle-t-on ?

Le retour à la nature ? Mais de quelle nature parle-t-on exactement ? Celle que ce système globalisé et financiarisé, productiviste et prédateur, maltraite et pille sans vergogne depuis plusieurs siècles ? Celle qui ne s’appelle pas vraiment « nature » et qui rassemble tous les êtres vivants, humains et non-humains, que les peuples andins nomment la Pachamama, la Terre-Mère ?

Celle qui nous ressource, nous énergise et nous apaise – forêts ombragées, campagnes bucoliques, alpages silencieux, horizons marins à perte de vue… ?  Celle qui est désormais mise à toutes les sauces du Marché, petits et grands éco-blanchiments, marketing vert et autres escroqueries écologiques ?

Cette nature plurielle et planétaire, du nord au sud, d’est en ouest, chaotique ou domestiquée, proche ou inaccessible, porteuse d’espoirs, de désolations, de rêveries, de beautés et de laideurs, d’exploitations vertueuses et destructrices. Cette nature d’où l’on vient et où nous terminerons, minuscules Homo sapiens appelés à davantage d’humilité et de sobriété pour cohabiter pleinement aux côtés des… 8 millions d’espèces animales et végétales recensées. Et espérer ainsi enrayer le déclin de cette fantastique planète Terre gravement en péril.

Pour aller plus loin :

Magazine Imagine Demain le monde
Participer à l’enquête NatureOrNot qui tente de mesurer la perception de chacun de la nature en ville, en fonction de son lieu d'habitation, âge, habitudes...

Tristan Gilet

Tristan Gilet

Ingénieur physicien et docteur en Physique
Chargé de cours, faculté des Sciences appliquées (ULiège)

Il dirige le Microfluidics Lab1, un laboratoire de l'U.R. Aérospatiale et Mécanique consacré à l’étude des écoulements de liquides aux échelles inférieures au millimètre. Dans un projet biomimétique en partenariat avec l'U.R. FOCUS de l'ULiège et le laboratoire TIPS de l'ULB, le Microfluidics Lab tente d'élucider les mécanismes d'adhésion capillaire des coléoptères pour jeter les bases d'une nouvelle technologie de préhension microrobotique."

Dans le cadre de cette lettre thématique, il nous livre sa vision sur la bio-inspiration en tant que moteur pour la Recherche, notamment liée au développement durable.

Observer la nature pour un développement durable

La nature regorge encore de millions d'espèces qui, au cours de l'évolution, se sont optimisées pour survivre et se reproduire sous les contraintes de leur environnement. Le pari du biomimétisme est de réduire le temps de recherche d'une solution optimale à un problème donné en se concentrant sur les formes, les mécanismes et les stratégies éprouvées par des espèces faisant face à un défi similaire. Par exemple, on devrait pouvoir concevoir des robots capables de manipuler des objets microscopiques en copiant les mécanismes d'adhésion des coléoptères1.

Pour résoudre le défi de sa présence durable sur Terre (#changement climatique, #perte de biodiversité, #épuisement des ressources), l'Homme peut également s'inspirer des espèces qui ont vécu plus longtemps que lui. Néanmoins, je ne connais pas d'espèce dont la copie nous ferait décupler nos sources énergétiques ou diviser par dix nos dépenses à confort constant. Par exemple, l'aéronautique s'est inspirée du vol des oiseaux dès ses débuts. À présent, en termes d'énergie dépensée pour faire voler un poids donné sur une distance donnée, l'infatigable pigeon est à peine plus performant qu'un Boeing 7472, ce qui sous-entend que les ingénieurs ont déjà largement optimisé ce dernier. Si le pigeon n'a pas réussi à voler pour dix fois moins d'énergie dépensée, l'avion de ligne ne le pourra.

Je pense que les leçons de la nature en termes de développement durable se trouvent davantage dans l'organisation de celle-ci plutôt que dans les capacités inédites d'une espèce particulière. On y retrouve profondément ancrés trois concepts que l'Homme semble redécouvrir après un siècle d'oubli :

  • L'économie circulaire : les déchets des uns peuvent être digérés et valorisés par les autres.
  • La localité des cycles de l'azote et du phosphore, que chaque écosystème est sensé recycler3. Ceci sous-entend notamment qu'on utilise les déjections compostées comme engrais plutôt que de synthétiser des engrais à coût énergétique prohibitif et en quantité telle que leur injection dans le cycle déstabilise les écosystèmes (#eutrophisation).
  • La biodiversité pour augmenter la résistance. Par exemple, une étude récente de l'INRA4 montre que la mixité des variétés de blé sur une parcelle (le contraire d'une monoculture) peut diminuer la sensibilité du champ à certaines maladies.

 

1 T. Gilet et al., Curr. Opin. Insect Sci. 30, 19-25 (2018)
2 S. Dhawan, Sadhana 16 (4), 275-352 (1991)
3 M. A. Sutton & G. Billen, European Nitrogen Assessment, Technical summary (2011)
4 T. Vidal et al., Agriculture and Forest Meteorology 246, 154-161 (2017)

À découvrir aussi :

Conférence en ligne « Intelligence artificielle et bio-inspiration : s’adapter aux contextes changeants », le 17 novembre.

Michel Frederich

Maître de recherche honoraire du FRS-FNRS
Professeur au département de Pharmacie et au laboratoire de Pharmacognosie (ULiège)
Centre Interfacultaire de Recherche sur le Médicament (CIRM)

Pharmacien de formation, il nous éclaire sur la place qu’occupe la phytothérapie - cette discipline à la frontière de la botanique, de la pharmacie, de la médecine et de la chimie - dans le monde médical.

Michel Frederich

 

Phytothérapie : la médecine par les plantes

Depuis des millénaires, l’Homme utilise des plantes pour se soigner. De nombreux remèdes végétaux ancestraux ont d’ailleurs donné naissance à des médicaments essentiels de notre Pharmacopée, tels que la morphine (antidouleur de référence), l’aspirine (antidouleur, anti-inflammatoire et antiagrégant plaquettaire) ou l’atropine (stimulant cardiaque, qui a donné naissance à de très nombreux médicaments dérivés).

Néanmoins, la phytothérapie, c’est-à-dire l’utilisation de plantes ou d’extraits complexes de plantes pour se soigner, est encore souvent considérée comme un traitement non conventionnel, confondue avec l’homéopathie, et souffre toujours d’un manque de reconnaissance d’une partie du monde médical. Plusieurs remèdes de phytothérapie ont cependant maintenant prouvé leur efficacité sans ambiguïté, et sont reconnus par l’agence européenne du médicament (EMA), tels le millepertuis comme antidépresseur, la valériane comme sédatif ou le gingembre comme anti-nauséeux. Les remèdes de phytothérapie, de par leur composition complexe, offrent en général l’avantage d’une action sur plusieurs cibles pharmacologiques différentes, ce qui permet de réduire les doses et donc les risques d’effets indésirables.

La difficulté principale réside dans la variabilité des plantes médicinales, et donc dans la nécessité d’utiliser des préparations standardisées, de composition identique d’un lot à l’autre.

Actuellement, le Laboratoire de Pharmacognosie développe des activités autour de l’identification de métabolites végétaux bioactifs (malaria et cancer principalement), ainsi que du contrôle de qualité des médicaments à base de plantes.

Pour en savoir plus :

Plus d’informations sur le Laboratoire de Pharmacognosie